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Chasse au bonheur ou jeu de hasard, voilà en quoi consiste la vie bourgeoise. À côté de cela, exigence nécessaire, quiconque a acquis un profit ne doit pas avoir la légèreté de le remettre en jeu.

Étrange et cependant bien naturelle contradiction. La concurrence au milieu de laquelle se déroule la vie bourgeoise et politique est absolument un jeu de hasard, depuis les spéculations de bourse, jusqu’à la brigue des emplois, la chasse aux clients, les intrigues pour l’avancement, les trafics de brocanteurs, etc… Si l’on réussit à distancer et à surpasser son concurrent, on fait un « beau coup », car il faut déjà considérer comme une chance d’être pourvu de dons, — que l’on a il est vrai, développé avec un soin assidu, — contre lesquels les autres savent ne rien pouvoir, c’est un bonheur de ne pas trouver dans la lutte de mieux doués que soi-même. Et maintenant ceux qui passent leur existence quotidienne au milieu de cette fluctuation constante de la fortune, sont pris sans y voir malice, d’une morale indignation, quand leur propre principe apparaît tout nu et, en tant que jeu de hasard, est cause de « malheurs ». Le jeu de hasard est vraiment une concurrence trop définie, trop dévoilée et blesse, comme une nudité éhontée, les sentiments de pudeur les plus respectables.

À cette loterie, les socialistes veulent mettre fin et former une société dans laquelle les hommes ne soient plus esclaves de la chance, mais soient libres.

Tout d’abord cet effort se manifeste de la façon la plus naturelle comme haine des « malheureux » contre les « heureux », c’est-à-dire de ceux pour qui le bonheur a fait peu ou rien, contre ceux pour qui il a tout fait.