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seule classe, c’est la nation, « l’État » (status).

Qu’était donc devenu l’individu ? Un protestant de la politique, car il était entré en relation directe avec son Dieu, l’État. Il n’était pas plus que le noble dans la monarchie-noblesse, que l’artisan dans la monarchie-corporation, mais lui et tous les autres reconnaissaient un seul souverain, l’État, qu’ils servaient et dont ils recevaient tous également le titre d’honneur de citoyen.

La bourgeoisie est la noblesse du mérite[1], « au mérite sa récompense », voilà sa devise. Elle combattit contre la noblesse « paresseuse », car suivant elle, — noblesse laborieuse, acquise par l’assiduité et le mérite — ce n’est pas l’homme « né », ce n’est pas non plus moi qui suis libre, mais l’homme de mérite, l’honnête serviteur (de son roi, de l’État, du peuple dans les États constitutionnels). En servant, on acquiert la liberté, c’est-à-dire qu’on acquiert des états de services, quand bien même on servirait Mammon. On doit mériter de l’État, c’est-à-dire du principe de l’État, de son esprit moral. Celui qui sert cet esprit de l’État, est un bon citoyen, quelle que soit la profession qu’il exerce pourvu qu’elle soit conforme à la loi. Aux yeux des bourgeois le « novateur » fait un « métier ingrat » ; seul, le « boutiquier » est « pratique », car c’est le même esprit de boutiquier qui fait la chasse aux places, qui dans le commerce s’efforce de tondre ses brebis, et en général est à la recherche d’utilités pour soi-même et pour les autres.

Mais si les hommes de mérite passent pour libres (pour le bourgeois tranquille, le bon employé, cette liberté vers laquelle son cœur aspire n’est-elle pas complète ?) les « serviteurs » sont les hommes libres.

  1. Mérite est la traduction de Verdienst dérivé de Dienst, service.