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gnent à l’homme de leur indépendance, elles doivent être pour lui insaisissables et inaccessibles, il doit les considérer, les respecter ; malheur à lui, s’il les désire et étend le doigt vers elles : nous appelons cela « dérober ».

Quelle est la part misérable qui nous reste ? à peu près rien ! Tout est mis à l’écart, nous ne devons nous permettre de toucher à rien qui ne nous soit donné, nous ne vivons que par la grâce du donateur. Tu ne peux pas toucher à une épingle que tu n’en aies obtenu la permission. Et obtenu de qui ? Du Respect. Ce n’est que lorsqu’il t’en a abandonné la propriété et que tu peux la respecter comme propriété, que cette épingle est à toi. Et en retour tu ne dois concevoir aucune pensée, dire aucune parole, commettre aucune action, qui trouve uniquement sa sanction en toi, au lieu de la recevoir de la morale, de la raison ou de l’humanité. Sans-gêne heureux de l’homme avide, avec quelle cruauté tenace n’a-t-on pas cherché à t’égorger sur l’autel de la timidité !

Mais autour de l’autel se voûte une église dont les murs s’écartent de plus en plus. Ce qu’ils enferment est sacré. Tu ne peux plus y parvenir, tu ne peux plus y toucher. Hurlant de faim, tu erres autour de ces murs à la recherche d’un peu de profane et toujours le cercle de ta course s’agrandit. Bientôt cette église recouvre toute la terre et te voilà repoussé à l’extrême bord ; encore un pas et le monde du sacré a vaincu : tu disparais dans l’abîme. C’est pourquoi, prends courage, n’erre pas plus longtemps dans le profane sur lequel la faux a déjà passé, risque le saut, rue-toi sur les portes et précipite-toi dans le sanctuaire. Quand tu auras dévoré la chose sacré, tu l’auras faite tienne ! Digère l’hostie et tu en seras délivré !