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On pourrait facilement faire une liste des saintes idées dont une ou plusieurs doivent être mission pour l’Homme. On n’a que l’embarras du choix. Famille, patrie, devoir etc. peuvent trouver en moi un serviteur fidèle à sa mission.

Nous touchons ici à la folie séculaire du monde qui n’a pas encore appris à se passer de l’esprit-prêtre : Vivre pour une idée et créer, produire pour elle, telle est la mission de l’homme, sa valeur humaine se mesure au dévouement qu’il apporte à sa tâche.

Telle est la domination de l’idée en l’esprit-prêtre. Ainsi Robespierre, Saint-Just furent absolument des prêtres, enflammés par l’idée, enthousiastes, instruments conséquents de cette idée, hommes d’idéal. Saint-Just s’écrie dans un de ses discours : « Il y a quelque chose de terrible dans le saint amour de la Patrie ; il est à ce point exclusif qu’il sacrifie tout sans pitié, sans crainte, sans considération humaine à l’intérêt public. Il précipite Manlius dans le gouffre, il sacrifie ses préférences particulières, conduit Régulus à Carthage et met au Panthéon Marat, victime de son dévouement à la patrie.»

En face de ces représentants d’intérêts idéals et sacrés, il y a maintenant un monde d’intérêts innombrables « personnels » et profanes. Il n’y a pas d’idée, de doctrine, de cause sacrée si grande qu’elle ne doive jamais être dépassée et modifiée par ces intérêts personnels. Réduits momentanément au silence dans les temps de rage et de fanatisme, ils réapparaissent cependant bientôt grâce au « bon sens du peuple ». Ainsi les idées ne triomphent complètement que dans elles ne sont plus hostiles aux intérêts personnels, c’est-à-dire quand elles satisfont l’égoïsme.

L’homme qui sous ma fenêtre crie des harengs-saurs