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ils ne pouvaient l’avoir, car toute révolution, toute insurrection est toujours quelque chose d’ « immoral », auquel on ne peut se résoudre à moins de cesser d’être « bon » pour devenir « mauvais » ou ni bon ni mauvais.

Néron n’était pas pire que le temps où il vivait ; on ne pouvait alors être que l’un des deux : bon ou mauvais. Son temps a jugé qu’il était mauvais, et aussi mauvais qu’on peut l’être, non par faiblesse, mais par scélératesse pure ; quiconque est moral doit ratifier ce jugement. On rencontre encore parfois aujourd’hui des coquins de son espèce mêlés à la foule des honnêtes gens (voyez, par exemple, les Mémoires du chevalier de Lang). En vérité, il ne fait pas bon vivre avec eux, car on n’a pas un instant de sécurité ; mais est-il plus commode de vivre au milieu des bons ? On n’y est guère plus sûr de sa vie, sauf que quand on est pendu, c’est du moins pour la bonne cause ; quant à l’honneur, il est encore plus en danger, bien que le drapeau national le couvre de ses plis tutélaires. Le rude poing de la morale est sans miséricorde pour la noble essence de l’égoïsme.

« On ne peut cependant pas mettre sur la même ligne un gredin et un honnête homme ! » Eh ! qui donc le fait plus souvent que vous, Censeurs ? Bien mieux, l’honnête homme qui s’élève ouvertement contre l’ordre établi, contre les sacro-saintes institutions, etc., vous le coffrez comme un criminel, tandis qu’à un subtil coquin vous confiez vos portefeuilles et des choses encore plus précieuses. Donc, in praxi, vous n’avez rien à me reprocher. « Mais en théorie ! » En théorie, je les mets sur la même ligne, sur la ligne de la moralité, dont ils sont les deux pôles opposés. Bons et mauvais, ils n’ont de signification que dans le monde « moral », juste comme, avant le Christ, être un Juif selon la Loi ou non selon la Loi n’avait de signification que par rapport à la Loi mosaïque. Aux yeux du Christ, le pharisien