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s’effondrant, c’était le sol même qui se dérobait sous la Religion, désormais flottante et sans appui. Celui qui ne croit plus à aucun revenant n’a qu’à être conséquent avec lui-même pour que son incrédulité le conduise à s’apercevoir qu’il ne se cache derrière les choses aucun être à part, aucun revenant, ou (pour employer un mot dont on a naïvement fait un synonyme de ce dernier) — aucun Esprit.

« Mais il existe des Esprits ! » Contemple le monde qui t’entoure, et dis-moi si derrière toute chose ne t’apparaît pas un Esprit. La fleur, l’humble fleur te dit l’Esprit du Créateur qui en fit une petite merveille ; les étoiles proclame l’Esprit qui ordonne leur cours ; un Esprit de sublimité plane au sommet des monts ; l’Esprit de la mélancolie et du désir murmure sous les eaux ; — et dans les hommes parlent des millions d’Esprits. Que les montagnes s’affaissent, que le monde des étoiles tombe en poussière, que les fleurs se flétrissent et que meurent les hommes, que survit-il à la ruine de ces corps visibles ? L’Esprit, invisible, éternel ! Oui, tout dans ce monde est hanté ! Que dis-je ? Ce monde lui-même est hanté ; masque décevant, il est la forme errante d’un Esprit, il est un fantôme.

Qu’est-ce qu’un fantôme, sinon un corps apparent, mais un Esprit réel ? Tel est le monde, « vain », « nul », illusoire apparence sans autre réalité que l’Esprit, dont il est l’enveloppe visible. Regarde : ici, là, de toutes parts t’entoure un monde de fantômes ; tu es assiégé sans cesse de visions, d’ « apparitions ». Tout ce qui se montre à toi n’est que le reflet de l’Esprit qui l’habite, une apparition spectrale ; le monde entier n’est qu’une fantasmagorie derrière la quelle s’agite l’Esprit. Tu « vois des Esprits ».


Vas-tu peut-être le comparer aux Anciens, qui voyaient : partout des dieux ? Les dieux, mon cher Moderne, ne sont pas des Esprits ; les dieux ne réduisent