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qu’une machine merveilleuse que l’esprit de Vérité remonte pour son service.

La pensée libre et la science libre m’occupent — (car ce n’est pas moi qui suis libre et qui m’occupe, mais la pensée) — du ciel et du céleste ou « divin », c’est-à-dire, en réalité, du monde et du mondain, avec cette réserve que ce monde en est devenu un « autre » ; le monde a simplement subi un déplacement, une aliénation, et je m’occupe de son essence, ce qui est une autre aliénation. Celui qui pense est aveugle envers les choses qui l’entourent et inapte à s’en rendre maître ; il ne mange, ni ne boit, ni ne jouit, car manger et boire n’est jamais penser ; il néglige tout, son avancement dans le monde, le soin de sa conservation, etc., pour penser. Il l’oublie comme l’oublie celui qui prie. Aussi le vigoureux fils de la nature le regarde-t-il comme un cerveau détraqué, comme un fou, alors même qu’il le tient pour un saint ; c’est ainsi que les Anciens tenaient les frénétiques pour sacrés. La pensée libre est une frénésie, une folie, attendu qu’elle est un pur mouvement de l’être intime, du seul homme intérieur qui conduit et, régit le reste de l’homme. Le chaman et le philosophe spéculatif sont les échelons extrêmes de l’échelle de l’homme intérieur, — du mongol. Chaman et philosophe luttent, contre des revenants, des démons, des Esprits, des Dieux.

Radicalement différente de la pensée libre est la pensée qui m’est propre, ma pensée qui ne me conduit pas mais que je conduis, que je tiens en laisse et que je lance ou retiens à mon gré. Cette pensée, ma propriété, diffère autant de la pensée libre que la sensualité que j’ai en mon pouvoir, et que je satisfais s’il me plaît et comme il me plaît, diffère de la sensualité libre, débridée, à laquelle je succombe.

Feuerbach, dans ses Principes de la philosophie de l’avenir (Grundsätzen der Philosophie der Zukunft) en revient toujours à l’être. Il reste ainsi, malgré toute