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pourquoi me borner à penser autrement au sujet d’une chose, pourquoi ne pas pousser l’hétérodoxie à ses dernières limites et ne plus rien penser de cette chose, la supprimer de ma pensée ? Ce serait la fin de toute interprétation, parce que plus rien ne serait à interpréter. Pourquoi dire : « Dieu n’est pas Brahma, n’est pas Jéhovah, n’est pas Allah, mais est — Dieu », et ne pas dire : « Dieu n’est, rien qu’une illusion » ? Pourquoi me flétrit-on quand je suis un « négateur de Dieu » ? Parce qu’on met la créature au-dessus du créateur (« Ils honorent et servent plus la créature que le créateur  ») et qu’on a besoin qu’un objet règne pour que le sujet serve humblement. Je dois me courber sous l’Absolu, c’est mon devoir.

Par le royaume de « royaume des pensées », le Christianisme s’est complété ; la pensée est cette intériorité dans laquelle s’éteignent toutes les lumières du monde, où toute existence devient inexistante et où l’homme intérieur (le cerveau, le cœur) devient tout. Ce royaume des pensées attend sa délivrance, il attend comme le sphinx qu’Œdipe résolve l’énigme et lui permette d’entrer dans la mort. Je suis son destructeur, car dans mon royaume, dans le royaume du créateur, il ne peut plus se former de royaumes propres et d’États dans l’État : il est une création de ma créatrice — absence de pensée. Le monde chrétien, le Christianisme et la Religion en général ne peuvent périr qu’avec le monde pensant ; ce n’est que du jour où les pensées passeront qu’il n’y aura plus de croyants. Pour celui qui pense, le penser est « un labeur sublime, une activité sacrée », et repose sur une foi solide, la foi dans la vérité. C’est d’abord la prière qui est une sainte activité, puis ce saint « recueillement » devient un « penser » raisonnable et raisonnant, qui, toutefois, conserve-lui aussi comme base l’inébranlable foi dans la « Vérité sainte » et n’est