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et d’oppression stupide que dans le domaine de notre — propre arbitraire. Mais si nous agissons à notre guise en faisant ceci ou cela des objets sacrés, comment pourrions-nous reprocher à la prêtraille d’agir, elle aussi, à sa guise, et lui en vouloir de ce qu’elle nous juge à sa façon, c’est-à-dire dignes du bûcher ou d’un autre châtiment — de la censure, par exemple ?

Ce qu’un homme est, les choses le sont à ses yeux, « le monde te voit du même œil dont tu le contemples ». D’où, immédiatement, ce sage conseil : tu ne dois le regarder que d’un œil « juste et impartial ». (Comme si l’enfant ne regardait pas la Bible avec justice et impartialité quand il s’en fait un jouet !) Feuerbach, entre autres, nous donne ce prudent avis. Voir les choses justement, c’est tout bonnement, en faire ce qu’on veut (par choses, j’entends ici tous les objets en général : Dieu, nos confrères en humanité, une maîtresse, un livre, un animal, etc.) ; ce qu’il faut mettre en première ligne, ce n’est pas les choses et leur aspect, mais Moi et ma volonté. On veut des choses extraire des pensées, on veut découvrir de la raison dans le monde, on veut y trouver de la sainteté : il en résulte que tout cela on le trouve : « Cherchez et vous trouverez ! » Ce que je veux chercher, c’est Moi qui le détermine. Si je veux chercher dans la Bible matière à édification, je trouverai ; si je veux la lire et l’examiner à fond, il en résultera pour moi une connaissance et une critique profondes — d’après mes forces.

Je choisis ce qui répond à mes intentions et par le fait même que je choisis, je prouve mon — arbitraire.

De ceci naît cette considération que tout jugement que je porte sur un objet est l’œuvre, la création de ma volonté ; je suis par là de nouveau averti de ne pas me perdre dans la créature qu’est mon jugement, mais de rester le créateur qui juge et qui toujours crée à nouveau. Tous les prédicats des objets sont mes affirmations, mes jugements, — mes créatures. S’ils veulent, se détacher de moi et devenir quelque chose