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Mais le Christianisme prétend que la Bible doit être pour tous la même chose, c’est-à-dire ce qu’elle est pour lui : les « Livres Saints » ou la « Sainte Écriture ». Cela revient à prétendre que le point de vue du Chrétien doit être celui des autres hommes et que personne ne peut avoir avec l’objet en question d’autres rapports que le Chrétien. Le rapport perd ainsi toute valeur individuelle ; une certaine opinion se substitue à la mienne, devient définitive et s’implante comme la vraie et la « seule vraie ». Avec la libert. de faire de la Bible ce qu’il me plaît, toute liberté d’agir en général se voit entravée et est remplacée par la contrainte d’une façon de voir et de juger obligatoire. Celui qui émet le jugement que la Bible est une longue erreur de l’humanité porte un jugement — criminel.

En réalité, l’enfant qui la met en pièces ou qui joue avec elle et l’Inca Atahualpa qui y applique l’oreille et la rejette avec une moue de dédain parce qu’elle reste muette émettent sur la Bible un jugement aussi légitime que le prêtre qui prise en elle la « parole de Dieu » ou que la critique qui la traite comme un monument de la civilisation hébraïque. Car nous manions les choses selon notre bon plaisir et notre caprice ; nous en usons comme il nous plaît, ou, plus exactement, comme nous pouvons. D’où vient que les prêtres jettent de hauts cris lorsqu’ils voient Hegel et les théologiens spéculatifs extraire de la Bible des pensées spéculatives ? De ce qu’eux-mêmes traitent ces textes à leur guise et « en font un usage arbitraire ».

Rien ne plaît tant au philosophe que de dénicher en tout une « Idée », et rien ne va au dévot comme de mettre tout en œuvre (la vénération de la Bible, par exemple) pour se faire de Dieu un ami. Nous faisons tous preuve du même arbitraire dans notre commerce avec les choses et nous les traitons comme il nous plaît : aussi ne rencontrons-nous nulle part une aussi pesante tyrannie, autant de violences terribles