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pourra empêcher celui qui naquit poète d’être le premier de son temps, et ne pas lui permettre de produire des chefs-d’œuvre en lui interdisant les longues mais indispensables études préliminaires ; mais il fera des vers, qu’il soit valet de ferme ou qu’il ait la chance de vivre à la cour de Weimar. Le musicien fera de la musique, dût-il, faute d’instrument, souffler dans un roseau. Une tête philosophique roulera des problèmes, qu’elle orne les épaules d’un philosophe d’université ou d’un philosophe de village. Enfin l’imbécile, qui peut être en même temps un « malin » (les deux vont très bien ensemble, quiconque a fréquenté les écoles en retrouvera dans sa mémoire plusieurs exemples, s’il passe en revue ses anciens condisciples), l’imbécile, dis-je, restera toujours un imbécile, soit qu’on l’ait dressé et exercé à être chef de bureau ou à cirer les bottes dudit chef. Les cerveaux obtus forment la classe humaine incontestablement la plus nombreuse. Mais pourquoi n’y aurait-il pas dans l’espèce humaine les mêmes différences qu’il est impossible de méconnaître dans la première espèce animale venue ? On trouve partout des êtres plus ou moins bien doués.

Peu, cependant, sont assez obtus pour qu’on ne puisse leur insuffler quelques idées. Aussi considère-t-on ordinairement tous les hommes comme capables d’avoir de la religion. Ils sont, de plus, susceptibles d’être, dans une certaine mesure, dressés à d’autres idées, et on peut leur donner, par exemple, quelque compréhension musicale, une teinte de philosophie même. Ici le sacerdoce se lie à la religion, à la moralité, à la culture, à la science, etc., et les Communistes, par exemple, veulent par leur « école populaire » rendre tout accessible à tous. On soutient ordinairement que la « grande masse » ne pourrait se passer de religion ; les Communistes étendent cette affirmation et disent que non seulement la « grande masse », mais tous sont appelés à tout.