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faible qu’il n’était convenu ; la suite de son histoire, où s’étale un second parjure, démontre d’ailleurs à suffisance qu’il était possédé d’un esprit de trafic qui faisait de lui un bas filou.

Que répondre à ceux qui lui reprochent ce faux serment ? D’abord sans doute nous répéterons que s’il se déshonora ce ne fut pas tant par son parjure que par son avarice ; que ce n’est pas son parjure qui le rendit méprisable, mais que c’est parce qu’il était un méprisable personnage qu’il s’en rendit coupable.

Toutefois, considéré en lui-même, le parjure de François doit être autrement jugé.

Pourrait-on dire que François ne répondit pas à la confiance que Charles lui témoignait en lui rendant la liberté ? Si Charles avait eu réellement confiance en lui, il lui aurait dit le prix que lui semblait valoir sa mise en liberté, puis il lui eût ouvert la porte de sa prison et eût attendu que François lui envoyât la rançon convenue. Mais cette confiance, Charles ne l’éprouvait pas ; il ne se fiait qu’à la faiblesse et à la crédulité de François, lesquelles, croyait-il, ne lui permettraient pas de manquer à son serment. François ne trompa que — ce calcul trop crédule. C’est précisément en croyant trouver une garantie dans le serment de son ennemi que Charles l’affranchit de toute obligation. Il avait supposé chez le roi de France de la sottise, de l’étroitesse de conscience, et il mettait sa confiance non pas en François, mais dans la sottise, c’est-à-dire la scrupulosité de François. Il ne lui ouvrait les grilles de sa prison de Madrid que pour refermer sur lui les grilles plus sûres de la conscience, cette prison où la religion enferme l’esprit humain. Il le renvoyait en France, garrotté de liens invisibles ; quoi d’étonnant à ce que François ait cherché à s’échapper et à rompre ses liens ? Personne n’eût trouvé mauvais qu’il s’évadât de Madrid, puisqu’il était au pouvoir d’un ennemi ; mais tout bon chrétien lui jette la pierre pour avoir