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d’ailleurs pour le mettre en possession. Pour posséder la liberté de la presse, je n’ai pas besoin de concession, je n’ai pas besoin du consentement du Peuple, je n’ai pas besoin d’en avoir le « droit » ni d’y être « autorisé ». Il en est de la liberté de la presse comme de toute autre liberté, je dois la prendre moi-même ; le Peuple, quoique « seul juge », ne peut me la donner. Il peut applaudir à la liberté dont je m’empare ou il peut se mettre en garde et se défendre contre elle ; mais me la donner, me l’accorder, me l’octroyer lui est impossible. J’en use malgré le Peuple, en ma seule qualité d’individu, c’est-à-dire que je lutte pour elle contre le Peuple — mon ennemi ; je ne l’obtiens que si je la conquière réellement, si je la prends. Et si je la prends, c’est qu’elle est ma propriété.

Sander, que combat Edgar Bauer, considère la liberté de la presse comme « le droit et la liberté du citoyen dans l’État ». Bauer ne dit rien d’autre. Pour lui aussi elle n’est que le droit du citoyen libre.

On réclame encore la liberté de la presse comme un « droit commun à tous les hommes ». À cela il a été objecté que tous les hommes ne savent pas en faire bon usage, attendu que tous ne sont pas vraiment hommes. À l’Homme, comme tel, jamais un gouvernement ne l’a refusée. Seulement, l’Homme n’écrit pas, pour l’excellente raison qu’il est un fantôme. Cette liberté, les gouvernements ne l’ont jamais refusée qu’à des individus, pour l’accorder à d’autres individus, par exemple à leurs organes. Donc, si on veut l’obtenir pour tout le monde, il faut précisément affirmer qu’elle appartient à l’individu, à Moi, et non pas à l’Homme ou à l’individu en tant qu’Homme. Dans tous les cas, ce qui n’est pas homme (l’animal, par exemple) ne peut en faire usage. Le Gouvernement français, par exemple, ne conteste pas que la liberté de la presse soit un droit de l’Homme. Il exige seulement de l’individu un cautionnement établissant qu’il est vraiment Homme, car ce n’est pas à l’individu,