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la presse doit-elle être libre ? Sans doute d’une dépendance, d’une sujétion, d’un asservissement ! Mais c’est affaire à chacun de s’affranchir de tout cela ; on peut affirmer avec certitude que si vous avez secoué le joug des vieilles habitudes de domesticité, ce que vous écrivez et publiez vous appartient en propre, au lieu d’avoir été conçu et formulé au service d’un pouvoir quelconque ; mais qu’est-ce qu’un fidèle chrétien peut bien dire ou imprimer qui soit plus indépendant de la croyance chrétienne qu’il ne l’est lui-même ? S’il est des choses que je ne puis ou n’ose écrire, le premier coupable ne peut être que moi-même. — Et, quoique ceci paraisse s’éloigner du sujet, en voici pourtant l’explication : Par une loi sur la presse, je trace ou je permets qu’on trace autour de mes publications une limite au-delà de laquelle commencent le délit et la répression. C’est moi-même qui restreint ma liberté.


Pour que la presse fût libre, il serait indispensable qu’aucune contrainte ne pût lui être imposée au nom d’une loi. Et pour en arriver là, il faudrait que moi-même je me fusse affranchi de l’obéissance à la loi.

En vérité, la liberté absolue de la presse est une chimère, comme toute liberté absolue. La presse peut être libre de bien des choses, mais elle ne le sera jamais que de ce dont je serai moi-même libre. Affranchissons-nous de tout ce qui est sacré, soyons sans foi et sans loi, et nos discours le seront aussi.

Nous ne pouvons pas plus affranchir nos écrits de toute contrainte que nous ne pouvons être nous-mêmes affranchis de tout. Mais nous pouvons les faire aussi libres que nous le sommes. Il faut pour cela qu’ils soient notre propriété, au lieu d’être, comme ils l’ont été jusqu’ici, au service d’un fantôme.

On ne se rend pas bien compte de ce qu’on demande en réclamant la liberté de la presse. Ce que prétendument on désire, c’est que l’État rende la presse libre ; mais ce qu’on veut en réalité et sans