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pas humain ; exprimez un doute, vous péchez contre un droit divin. Mangez votre pain sec avec contentement, votre résignation est une offense aux droits de l’homme ; mangez-le en mécontents, et vos murmures sont une insulte au droit divin. Il n’est pas un de vous qui ne commette à chaque instant un crime : tous vos discours sont des crimes, et toute entrave à votre liberté de discourir n’est pas moins un crime. Vous êtes tous des criminels.

Cependant, vous ne l’êtes que parce que vous vous tenez tous sur le terrain du droit, c’est-à-dire parce que vous ne savez pas que vous êtes criminels et ne savez pas vous en féliciter.

La propriété inviolable ou sacrée a pris naissance sur ce même terrain ; elle est la fille spirituelle du Droit. Le chien qui voit un os en la puissance d’un autre n’y renonce que s’il se sent trop faible. Mais l’homme respecte le droit de l’autre à son os. Ceci est considéré comme humain, cela comme brutal ou « égoïste ». Et partout, comme dans ce cas-ci, ce qui est » humain », c’est de voir en tout quelque chose de spirituel (ici, le droit), c’est-à-dire de faire de toute chose un fantôme que l’on peut bien chasser dès qu’il se montre mais qu’on ne peut pas tuer. Ce qui est humain, c’est de voir dans tout objet particulier non pas quelque chose de particulier, mais quelque chose de général.

Je ne dois plus à la nature, comme telle, aucun respect ; je sais que j’ai à son égard tous les droits. Mais je suis tenu de respecter dans l’arbre du jardin que voilà sa qualité d’objet étranger (à un point de vue plus étroit, on dit : de respecter la « propriété »), et il ne m’est pas permis d’y toucher. Et cela ne pourra changer que quand je ne verrai pas dans le fait de laisser cet arbre à autrui autre chose que dans le fait de lui abandonner, par exemple, mon bâton, c’est-à-dire quand j’aurai cessé de considérer cet arbre comme quelque chose d’étranger a priori,