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pour autant que d’autres individus conjuguent leur puissance à la sienne. L’illusion consiste à croire qu’ils ne peuvent plus retirer leur puissance à ceux auxquels ils l’ont accordée. Ici reparaît le même phénomène que tantôt, le divorce de la puissance et du moi : je ne puis pas reprendre au possesseur la part de puissance qui lui vient de moi. On a donné « pleins pouvoirs », on s’est dessaisi du pouvoir, on a renoncé à celui de prendre un meilleur parti.

Le propriétaire peut renoncer à sa puissance et à son droit sur une chose en en faisant don, en la dissipant, etc. Et nous, nous ne pourrions pas également abandonner la puissance que nous lui avons prêtée ?

L’homme selon le droit, l’ « honnête homme », ne demande pas à faire sien ce qui n’est pas à lui « de droit » ou ce à quoi il n’a pas droit ; il ne revendique que sa « propriété légitime ». Qui donc sera juge et fixera les limites de son droit ? Finalement, ce doit être l’Homme, car c’est de lui qu’on tient les droits de l’homme. Par conséquent, on peut dire avec Térence, mais dans un sens infiniment plus large que lui : « Humani nihil a me alienum puto », c’est-à-dire l’humain est ma propriété. De quelque manière qu’on s’y prenne, sur ce terrain on aura inévitablement un juge, et de notre temps les divers juges que l’on s’était donnés ont fini par s’incarner en deux personnes mortellement ennemies : le Dieu et l’Homme. Les uns se réclament du droit divin, les autres du droit humain ou des droits de l’homme.

Ce qui est clair, c’est que dans les deux cas l’individu ne crée pas lui-même son droit.

Trouvez-moi donc aujourd’hui une seule action qui n’offense pas un droit ! À chaque instant les droits de l’homme sont foulés aux pieds par les uns, tandis que les autres ne peuvent pas ouvrir la bouche sans blasphémer contre le droit divin. Faites l’aumône, et vous outragez un droit de l’homme, puisque le rapport de mendiant à bienfaiteur n’est