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au souci d’acquérir et en faisant que chacun ait ce dont il a besoin. C’est la puissance de travail de chacun qui forme sa richesse, et s’il n’en fait pas usage, c’est sa faute. C’en est fait des compétitions infatigables, et nulle concurrence ne demeure plus, comme c’était trop souvent le cas jusqu’aujourd’hui, stérile, attendu que tout effort de travail a pour effet de procurer à celui qui le fait le nécessaire. À présent seulement on possède réellement : ce que quelqu’un possède en puissance dans sa capacité de travail il ne peut plus le perdre, comme, sous le régime de la concurrence, cela menaçait à chaque instant de lui échapper. On est possesseur d’une façon assurée, et sans souci. Et on l’est précisément parce qu’on ne cherche plus sa richesse dans une marchandise, mais dans sa puissance de travail, c’est-à-dire parce qu’on est un gueux, un homme dont la fortune n’est qu’idéale. Quant à Moi, je ne puis me contenter de la maigre pitance que me rapporterait mon labeur, parce que ma richesse ne consiste pas seulement dans mon travail.

Par le travail, je puis arriver, par exemple, à m’acquitter des fonctions d’un président ou d’un ministre ; ces emplois n’exigent que l’instruction moyenne, c’est-à-dire accessible à tout le monde (car l’instruction moyenne ne signifie pas seulement l’instruction que tout le monde possède, mais celle, par exemple, du médecin, du militaire, du philosophe, que tout le monde peut acquérir, et qu’un « homme cultivé » ne croit pas au-dessus de ses forces), ou, en somme, qu’un savoir-faire dont tout le monde est capable.

Mais s’il est vrai que ces fonctions peuvent être exercées par tout homme quel qu’il soit, ce n’est pourtant que la force unique de l’individu, propre exclusivement à l’individu, qui leur donne en quelque sorte une vie et une signification. S’il ne remplit pas ses fonctions comme un « homme ordinaire », mais s’il y dépense tout le trésor de son unicité, il