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Les Libéraux politiques ont à cœur d’abolir autant que possible toutes les servitudes, afin que chacun soit franc maître de son champ, ce champ n’eût-il que tout juste assez de surface pour que le fumier d’un homme suffît à l’engraisser. (« Que les cultivateurs se marient de bonne heure, afin de profiter du fumier de leur femme ! ») Peu importe que le champ soit petit, pourvu qu’on ait le sien, qu’il soit une propriété, et une propriété respectée ! Plus il y aura de propriétaires, plus l’État sera riche en « hommes libres » et en « bons patriotes ».

Le Libéralisme politique, comme toute religiosité, compte sur le respect, l’humanité, la charité ; aussi est-il perpétuellement déçu. Car dans la pratique de la vie les gens ne respectent rien. Tous les jours, on voit de grands propriétaires arrondir leur domaine en accaparant les propriétés plus petites qui l’avoisinent ; et l’on voit tous les jours de petits propriétaires dépossédés obligés de redevenir mercenaires ou fermiers sur le lopin de terre qui leur a été légalement extorqué. La concurrence couvre de son pavillon le dol et la violence, et ce n’est pas de respect de la propriété qui peut s’opposer à ce brigandage. Si, au contraire, les « petits propriétaires » s’étaient dit que la grande propriété, elle aussi, est à eux, ils ne s’en seraient pas d’eux-mêmes respectueusement écartés et on ne les expulserait pas.

La propriété telle due la comprennent les Libéraux bourgeois mérite les invectives des Communistes et de Proudhon : elle est insoutenable et inexistante, attendu que le citoyen propriétaire ne possède en réalité rien et est partout un banni. Loin que le monde puisse lui appartenir, le misérable coin où il vivote n’est même pas à lui.

Proudhon ne veut pas entendre parler de propriétaires, mais bien de possesseurs ou d’usufruitiers .