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prison, et il est également peu commun que l’on y reste volontairement ; on y nourrit plutôt un égoïste désir de liberté. Il est donc à présumer que toutes les relations personnelles entre prisonniers seront hostiles à la société réalisée par la prison, et ne tendront à rien de moins qu’à dissoudre cette société qui résulte de la captivité commune.

Adressons-nous donc à d’autres sociétés, des sociétés où il semble que nous demeurions volontiers et de notre plein gré sans vouloir en compromettre l’existence par nos manœuvres égoïstes.

Comme communauté remplissant ces conditions se présente en premier lieu la famille. Parents, époux, enfants, frères et sœurs forment un tout, ou constituent une famille dont des alliances viennent peu à peu grossir les rangs. La famille n’est réellement une communauté que si tous ses membres en observent la loi, la piété ou l’amour familial. Un fils à qui père, mère, frères et sœurs sont devenus indifférents a été fils, mais sa qualité de fils ne se manifestant plus activement a aussi peu d’importance que la liaison depuis longtemps détruite de la mère et de l’enfant par le cordon ombilical. Cette dernière liaison a existé autrefois, elle est un fait qu’il n’est plus possible de défaire et en vertu duquel on reste irrévocablement le fils de cette mère et le frère de ses autres enfants ; mais une dépendance permanente ne peut résulter que de la permanence de la piété, de l’esprit de famille. Les individus ne sont, dans toute l’acception du mot, membres d’une famille que s’ils se font un devoir de maintenir la famille et s’ils se gardent, comme ses conservateurs, d’en remettre le fondement en question. Il est pour tout membre de la famille une chose inébranlable et sacrée : c’est la famille elle-même, ou, plus exactement, la piété. La famille doit subsister : telle est, pour celui de ses membres qui ne s’est laissé envahir par aucun égoïsme antifamilial, la vérité fondamentale, celle qu’aucun doute ne peut effleurer. En un mot,