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constate entre le premier et le second ? Est-ce là ce qu’on exige de l’État libre ou de l’Humanité ? Ils devraient en ce cas ne s’intéresser absolument à rien, être fermés à toute sympathie pour quoi que ce soit. On ne s’imagine une telle indifférence ni de la part de Dieu qui sépare les siens des méchants, ni de la part de l’État qui distingue les bons citoyens des mauvais.

Ce qu’on cherche, pourtant, c’est précisément ce tiers qui n’accorderait plus aucun « privilège ». Et on l’appelle état libre. Humanité ou autrement.

Les Juifs et les Chrétiens, que Bruno Bauer a foudroyés de son mépris pour leur prétention à des « prérogatives » devraient pouvoir et vouloir renoncer, par abnégation ou désintéressement, au point de vue où ils se cantonnent. S’ils dépouillaient leur « égoïsme », ce serait la fin de leurs torts réciproques, et, du même coup, la fin de toute religiosité juive et chrétienne. Il suffirait qu’ils cessassent de se prétendre des êtres « à part ».

Mais à supposer qu’ils renonçassent à leur exclusivisme, ils n’abandonneraient pas pour cela le champ de bataille où leur hostilité s’est si longtemps exercée ; ils trouveraient tout au plus un terrain neutre sur lequel ils pourraient s’embrasser : une « religion universelle », une « religion de l’Humanité », que sais-je ? — un accommodement, en un mot, et on se contenterait du premier venu ; déjà par exemple, la conversion de tous les Juifs au christianisme (autre moyen de mettre fin aux « privilèges » des uns et des autres) serait un compromis très sortable ! On supprimerait en vérité la discordance, mais cette discordance n’est pas l’essence des deux antagonistes, elle n’est que l’effet de leur rapprochement. Étant différents, ils doivent nécessairement être en désaccord, et l’inégalité subsistera toujours. Ce n’est pas un tort, il est vrai, de te roidir contre moi, et d’affirmer ta particularité, ton individualité :