Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/244

Cette page n’a pas encore été corrigée

le Paul en chair et en os. Au lieu de me prendre pour ce que je suis, on ne considère que ma propriété, mes attributs, et si l’on conclut avec moi une alliance honorable, ce n’est que pour l’amour de — ma bourse : on épouse ce que j’ai et non ce que je suis. Le Chrétien s’attaque à mon esprit et le Libéral à mon humanité.

Mais si l’esprit, cet esprit qu’on ne regarde pas comme la propriété du Moi réel et corporel, mais comme le Moi lui-même, est un fantôme, l’Homme dans lequel on veut reconnaître non un de mes attributs mais le Moi proprement dit n’est, lui non plus, qu’un fantôme, une pensée, un concept.

C’est pourquoi le Libéral tourne éternellement, sans pouvoir en sortir, dans le même cercle où est enfermé le Chrétien. Comme l’Esprit de l’humanité, c’est-à-dire l’Homme, habite en toi, tu es un homme, de même que tu es un chrétien si l’Esprit du Christ habite en toi. Mais, attendu que l’Homme qui est en toi n’y est qu’un second Moi, bien que ton véritable et ton « meilleur » Moi, il reste au-delà de toi, et tu dois t’efforcer de devenir pleinement Homme. Effort aussi stérile que celui du Chrétien pour devenir pleinement esprit bienheureux !

Aujourd’hui que le Libéralisme a proclamé l’Homme, on peut dire que le Christianisme a été ainsi poussé à ses dernières conséquences, et que dès l’origine le Christianisme ne s’est proposé d’autre tâche que celle de réaliser l’Homme, le « véritable Homme ». On comprend donc que c’est une erreur de croire que le Christianisme accorde au Moi une valeur infinie, comme le feraient penser, par exemple, la doctrine de l’immortalité, le soin du salut, etc. Non : cette valeur, il ne l’attribue qu’à l’Homme. Seul l’Homme est immortel, et ce n’est qu’en tant qu’Homme que je le suis aussi. Le Christianisme enseigne bien que nul ne périt tout entier, et de même le libéralisme déclare que tous les hommes sont