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L’individualité


« L’Esprit n’aspire-t-il pas à la Liberté ? — Hélas ! ce n’est pas mon seul Esprit, c’est toute ma chair qui brûle sans cesse du même désir ! Lorsque, devant la cuisine embaumée du château, mon nez parle à mon palais des plats savoureux qui s’y préparent, je trouve mon pain sec terriblement amer ; lorsque mes yeux vantent à mon dos calleux les moelleux coussins sur lesquels il lui serait bien plus doux de s’étendre que sur sa paille foulée, le dépit et la rage me saisissent ; lorsque…, mais à quoi bon évoquer plus de douleurs ? — Et c’est cela que tu appelles ton ardente soif de liberté ? De quoi donc veux-tu être délivré ? De ton pain de munition et de ton lit de paille ? Eh bien ! jette-les au feu ! Mais tu n’en serais guère plus avancé ; ce que tu veux, c’est plutôt la liberté de jouir d’une bonne table et d’un bon lit. Les hommes te le permettront-ils ? Te donneront-ils cette « liberté » ? Tu n’attends pas cela de leur amour des hommes, car tu sais qu’ils pensent tous — comme toi : chacun est pour soi-même le prochain !

Comment feras-tu donc pour jouir de ces mets et de ces coussins qui te font envie ? Il n’y a pas d’autre moyen que d’en faire ta — propriété !