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sa perfection dans la Critique, où le penser est supérieur à toute pensée, dont aucune ne peut se fixer « égoïstement ». Que deviendrait la pureté de la critique, la pureté du penser, si une seule pensée pouvait échapper au procès intellectuel ? Cela nous explique le fait que le Critique lui-même se laisse aller, de temps à autre, à railler doucement les idées d’Homme et d’Humanité : il pressent que ce sont là des pensées qui approchent de la cristallisation dogmatique. Mais il ne peut détruire une pensée tant qu’il n’a point découvert une pensée — supérieure, en laquelle la première se résout. Cette pensée supérieure pourrait s’appeler celle du mouvement de l’esprit ou du procès intellectuel, c’est-à-dire la pensée du penser ou de la critique.

La liberté de penser est en fait ainsi devenue complète ; c’est le triomphe de la liberté spirituelle, car les pensées individuelles, « égoïstes », perdent leur caractère dogmatique d’impératif. Une seule le conserve, le — dogme du penser libre ou de la critique.

Contre tout ce qui appartient au monde de la pensée, la Critique a le droit, c’est-à-dire la force, pour elle : elle est victorieuse. La Critique, et la Critique seule, « domine notre époque ». Au point de vue de la pensée, il n’est aucune puissance capable de surpasser la sienne, et c’est plaisir de voir avec quelle aisance ce dragon dévore comme en se jouant toute autre pensée ; tous ces vermisseaux de pensées se tordent, mais elle les broie malgré leurs contorsions et leurs « détours ».

Je ne suis pas un antagoniste de la critique, autrement dit je ne suis pas un dogmatique, et je ne me sens pas atteint par les dents du Critique. Si j’étais un dogmatique, je poserais en première ligne un dogme, c’est-à-dire une pensée, une idée, un principe, et je complèterais ce dogme en me faisant « systématique » et en bâtissant un système, c’est-à-dire un édifice de pensées.