Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/207

Cette page n’a pas encore été corrigée

je la ramène perpétuellement à moi, je supprime en elle toute velléité d’indépendance, et je la « consomme » avant qu’elle ait le temps de se cristalliser et de devenir « idée fixe » ou « manie ».

Et si j’agis ainsi, ce n’est pas parce que « l’Humanité m’y convie » et m’en fait un devoir, mais parce que je m’y convie moi-même. Je ne me raidis point pour renverser tout ce qu’il est théoriquement possible à un homme de renverser ; tant que je n’ai pas encore dix ans, par exemple, je ne critique pas l’absurdité du Décalogue ; en suis-je moins homme ? Peut-être même que si mes dix ans agissent humainement, c’est précisément en ne la critiquant pas ! Bref, je n’ai pas de vocation et je n’en suis aucune, pas même celle d’être homme.

Est-ce à dire que je refuse les bénéfices réalisés dans les différentes directions par les efforts du Libéralisme ? Oh ! que non ! Gardons-nous de rien laisser perdre de ce qui est acquis. Seulement, à présent, que, grâce au Libéralisme, voilà l’ « Homme » libéré, je tourne les yeux vers moi-même, et je le proclame hautement : ce que l’homme a l’air d’avoir gagné, c’est Moi, et Moi seul, qui l’ai gagné.

L’homme est libre quand « l’Homme est pour l’homme l’être suprême ». Il faut donc, pour que l’œuvre du Libéralisme soit complète et parachevée, que tout autre être suprême soit anéanti, que la Théologie soit détrônée par l’Anthropologie, qu’on se moque de Dieu et de la Providence, et que l’ « athéisme » devienne universel.

Que « mon Dieu » même en arrive à n’avoir plus aucun sens, c’est la dernière perte que puisse faire l’égoïsme de la propriété, car Dieu n’existe que s’il a à cœur le salut de l’individu, comme celui-ci cherche en lui son salut.

Le Libéralisme politique abolit l’inégalité du maître et du serviteur, et fit l’homme sans maître, anarchique. Le maître, séparé de l’individu, de l’égoïste, devint