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de reculer la moindre borne, de lever le moindre obstacle qui fût une barrière pour tous les hommes ?

Celui qui renverse une de ses barrières peut avoir par là montré aux autres la route et le procédé à suivre ; mais renverser leurs barrières reste leur affaire. Personne, d’ailleurs, ne fait autre chose. Exhorter les gens à être intégralement hommes revient à exiger d’eux qu’ils abattent toutes les barrières humaines ; or, c’est impossible, car l’Homme n’a pas de barrières et de limites ; Moi, j’en ai, c’est vrai, mais celles-là seules, les miennes, me concernent, et elles seules peuvent être par moi renversées. Je ne puis être un moi humain, parce que je suis Moi et non purement homme.

Mais examinons encore une fois si dans ce que nous enseigne la Critique nous ne découvrirons rien à quoi nous puissions nous rallier ! Je ne suis pas libre tant que je ne me dépouille pas de tout intérêt, et je ne suis pas homme tant que je ne suis pas désintéressé. Soit, mais il m’importe en somme assez peu d’être homme et d’être libre, tandis qu’il m’importe beaucoup de ne laisser échapper sans en profiter aucune occasion de m’affirmer et de me mettre en valeur. De ces occasions, le Critique m’en fournit une en professant que lorsque quelque chose s’implante en moi et devient indéracinable, je deviens le prisonnier et le serviteur de cette chose autrement dit son possédé. Tout intérêt pour quoi que ce soit fait de moi, quand je ne sais plus m’en dégager, son esclave, et n’est plus ma propriété : c’est moi qui suis la sienne. C’est la Critique qui nous y invite : ne laissons s’ancrer, devenir stable, aucune partie de notre propriété, et ne nous trouvons bien que lorsque nous — détruisons.

Tu n’es homme, dit la Critique, que si tu critiques, analyses et détruis sans repos ni trêve ! Et nous disons : Je suis homme sans cela, et qui plus est je suis Moi. Aussi ne veux-je prendre d’autre souci que celui de m’assurer ma propriété ; et pour me la bien assurer,