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IV

PRÉFACE DU TRADUCTEUR

cunes, de la vie extérieure de J.-Caspar Schmidt, Max Stirner ne la traverse que comme un étranger. C’est un cadre, mais le portrait manque et manquera vraisembla blement toujours.

Ce cadre, c’est l’Allemagne des « années quarante », grosse de rêves et d’espoirs démesurés, pleine du juvénile sentiment qu’il suffisait de volonté et d’enthousiasme pour faire éclore le monde nouveau quelle sentait tressaillir dans ses flancs. Lajeune Allemagne, nourrie des doctrines de Hegel mais que ne satisfaisait plus la scolastique pé trifiée du maître, s’était jetée dans la mêlée philosophique et sociale qui devait aboutir aux orages de 1848-1849, et se pressait sous les drapeaux du radicalisme et du socia lisme, ou combattait autour de Br. Bauer, de Feuerbach et des « Nachhegelianer », avec, pour centres de ralliement, les Annales de Halle de Ruge et la Gazette du Rhin du jeune docteur Karl Marx.

C’est sur ce fond tumultueux et lourd de menaces, où chaque livre est une arme, où toute parole est un acte, où l’un sort de prison quand l’autre part pour l’exil, que nous voyons passer la silhouette effacée, l’ombrefugitive du grand penseur oublié.

Cet homme silencieux et discret, sans passions vives ni attaches profondes dans la vie, qui contemple d’un œil se rein les événements politiques se dérouler devant lui, avec parfois un mince sourire derrière ses lunettes d’acier, c’est J.-C. Schmidt.

Ceux qui le coudoient au milieu des promptes et chaudes camaraderies du champ de bataille le connaissent peu. Ils savent que la vie lui est dure, que dés sa jeunesse la chance lui fut hostile, que des « affaires de famille » pénibles troublèrent ses études, et qu’un mariage conclu en 1837 le laissa après six mois veuf et seul, sans autres relations que sa mère « dont l’esprit est dérangé ». Ils savent que, son examen pro facultate docendi passé, il a fait un an de stage pédagogique à Berlin, puis que, renonçant à acquérir le grade de docteur et à entrer dans l’enseignement officiel, il a accepté, en 1839, une