Page:Stirner - L’Unique et sa propriété, trad. Reclaire, 1900.djvu/171

Cette page n’a pas encore été corrigée

ecclésiastiques admettaient cette « vérité » tout comme les laïques, la même erreur était également ancrée chez tous. Mais le bénéfice, la puissance, étaient pour les prêtres, et le dommage, l’asservissement, pour les laïques. « Le malheur, dit-on, rend sage » ; aussi les laïques assagis finirent-ils par ne plus admettre cette « vérité » du Moyen Âge.

Il en est exactement de même pour la Bourgeoisie et le Prolétariat. Bourgeois et ouvriers croient à la « réalité » de l’argent ; ceux qui n’en ont pas sont aussi pénétrés de cette « réalité » que ceux qui en ont, les profanes que les clercs. « L’argent régit le monde » est la tonique de l’époque bourgeoise. Un gentilhomme sans le sou et un travailleur sans le sou sont des « meurt-de-faim » également sans valeur politique. La valeur ne va pas sans les valeurs ; l’argent seul la donne, naissance et travail n’y peuvent rien. Ceux qui possèdent gouvernent, mais l’État élit parmi les non-possédants ses « serviteurs » et leur distribue avec une sage économie quelques sommes (traitements, appointements) pour gouverner en son nom ; il en fait ses régisseurs.

Je reçois tout de l’État. Puis-je avoir quelque chose sans la permission de l’État ? Non, tout ce que je pourrais avoir ainsi, il me l’enlève dès qu’il s’aperçoit que les « titres de propriété » me font défaut. Tout ce que je possède, je le dois à sa clémence. C’est uniquement là-dessus, sur les titres, que repose la bourgeoisie ; le Bourgeois n’est ce qu’il est que grâce à la bienveillante protection de l’État. Il aurait tout à perdre si la puissance de l’État venait à s’effondrer.

Mais quelle est la situation de celui qui n’a rien à perdre dans cette banqueroute sociale, du Prolétaire ? Comme tout ce qu’il a et ce qu’il pourrait perdre se chiffre par zéro, il n’a pour ce zéro nul besoin de la protection de l’État. Il ne pourrait au contraire qu’y gagner si cette protection venait à manquer aux protégés.