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se trouvèrent affranchis de l’inégalité inhérente à la hiérarchie des corps sociaux. Mais les individus, ainsi sortis des castes et des cadres qui les enfermaient, n’étaient-ils réellement plus liés à aucun état (status), étaient-ils détachés du reste ? Non : si le Tiers s’était proclamé Nation, c’était précisément afin de ne plus être un état à côté d’autres états, mais pour devenir l’unique état, l’État national (status). Que devenait par là l’individu ? Un protestant politique, désormais en relations immédiates avec son Dieu, l’État. Il n’appartenait plus comme gentilhomme à la caste noble, ou comme artisan au corps des métiers ; il ne reconnaissait, plus, comme tous les autres individus, qu’un seul et unique maître, l’État, décernant à tous ceux qui le servaient le même titre de « citoyens ».

La Bourgeoisie est la noblesse du mérite : « Au mérite sa couronne » est sa devise.

Elle lutta contre la noblesse « pourrie », car pour elle, laborieuse, ennoblie par le labeur et le mérite, ce n’est pas « l’homme bien né » qui est libre, ni d’ailleurs moi qui suis libre ; est libre « celui qui le mérite », le serviteur intègre (de son Roi, de l’État, ou du Peuple dans nos États constitutionnels). C’est par les services rendus que l’on acquiert la liberté, autrement dit le mérite — et ses profits, fût-ce d’ailleurs en servant Mammon. Il faut avoir bien mérité de l’État, c’est-à-dire du principe de l’État, de son esprit moral. Celui qui sert cet esprit de l’État, celui-là, de quelque branche de l’industrie qu’il vive, est un bon citoyen ; à ses yeux, les « novateurs » font « un triste métier ». Seul, le « boutiquier » est « pratique », et c’est le même esprit de trafic qui fait qu’on chasse aux emplois, qu’on cherche à faire fortune dans le commerce, et qu’on s’efforce de se rendre de n’importe quelle façon utile à soi et aux autres.

Si c’est le mérite de l’homme qui fait sa liberté (et