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L’espion, le guetteur « Conscience », surveille chaque mouvement de l’esprit, et tout geste, toute pensée est à ses yeux une « affaire de conscience », c’est-à-dire une affaire de police. C’est cette scission de l’homme en « instincts naturels » et « conscience » (canaille intérieure et police intérieure) qui fait le Protestant. La « sagesse de la Bible » (au lieu de la catholique « sagesse de l’Église ») passe pour sacrée, et ce sentiment, cette conviction que la parole biblique est sainte se nomme — conscience. La sainteté a ainsi un trône dans le cœur de chacun. Si on ne se libère pas de la conscience, de l’idée du saint ou du sacré, on peut bien agir contre sa conscience, mais non indépendamment de la conscience ; on sera immoral mais non amoral.

Le Catholique peut aller en paix, du moment qu’il a rempli les « commandements » : le Protestant, lui, « fait de son mieux ». Le Catholique n’est qu’un laïque, tandis que tout Protestant est lui-même un prêtre. Cet ecclésiat universel, cette accession de tous à la prêtrise est le progrès réalisé par la Réforme sur le Moyen Âge et sa malédiction.

Qu’était la morale jésuitique, sinon la continuation de la vente des indulgences, à cette différence près que celui qu’on renvoyait absous avait désormais en plus la faculté de contrôler la remise de ses péchés et pouvait s’assurer que ses fautes lui étaient réellement pardonnées, attendu que, dans tel ou tel cas déterminé (casuistes), son péché n’en était pas un ? La vente des indulgences avait autorisé tous les péchés et tous les crimes, et réduit au silence tous les murmures de la conscience. La sensualité pouvait se donner libre carrière, sauf à être achetée à l’Église. Les Jésuites continuèrent à encourager la sensualité et prévinrent ainsi la dépréciation de l’homme selon les sens, tandis que les Protestants, austères, sombres, fanatiques, repentants, contrits et priants, les Protestants, véritables continuateurs du Christianisme, n’accordaient