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Dieu, elle n’en fait que plus énergiquement appel au Respect humain, c’est-à-dire à la crainte de l’Homme, et c’est à la discipline à inspirer « l’enthousiasme pour la véritable mission humaine ».



On se contenta pendant longtemps de l’illusion de posséder la vérité, sans qu’il vînt à l’esprit de personne de se demander sérieusement s’il ne serait peut-être pas nécessaire, avant de posséder la vérité, d’être soi-même vrai. Ce temps fut le Moyen Âge. On se figura pouvoir comprendre l’abstrait, l’immatériel, au moyen de la conscience commune, de cette conscience qui n’a de prise que sur les objets, c’est-à-dire sur le sensible et le matériel. De même qu’on doit longuement exercer son œil avant d’arriver à saisir la perspective des objets éloignés, et qu’il faut que la main fasse de pénibles efforts avant que les doigts aient acquis la dextérité nécessaire pour frapper les touches selon les règles de l’art, de même on s’est soumis aux mortifications les plus variées afin de devenir capable d’embrasser entièrement le suprasensible. Mais ce qu’on mortifiait n’était rien d’autre que l’homme matériel, la conscience commune, l’intelligence restreinte à la perception des rapports sensibles. Et comme cette intelligence, cette pensée, dont Luther « faisait fi » sous le nom de raison, est inapte à concevoir le divin, le régime de mortifications auquel on la soumit ne contribua en rien à la découverte de la vérité ; autant eût valu exercer ses pieds à la danse pendant des années dans l’espoir de leur apprendre à jouer de la flûte.

Luther, avec qui finit ce qu’on nomme le Moyen Âge, fut le premier à comprendre que si l’homme veut embrasser la vérité, il doit commencer par devenir autre qu’il n’est et par devenir aussi vrai que la vérité. Celui qui possède déjà la vérité parmi ses croyances, celui qui croît à la vérité peut seul y avoir part, c’est-à-dire qu’elle n’est accessible qu’au croyant,