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Il est impossible de faire grand cas de la valeur du moi tant que le dur diamant du non-moi (que ce non-moi soit le dieu ou soit le monde) reste à un prix aussi exorbitant. Le non-moi est encore trop vert et trop dur pour qu’il soit possible au moi de l’entamer et de l’absorber. Les hommes, avec une activité extraordinaire d’ailleurs, ne font que ramper sur cet immuable, c’est-à-dire sur cette substance, tels des insectes sur un cadavre dont ils font servir les sucs à leur nourriture, sans pour cela le détruire. Cette activité de vermine est toute l’industrie des Mongols. Chez les Chinois, en effet, tout reste comme avant ; une révolution ne supprime rien d’« essentiel » ou de « substantiel », et ne fait que les rendre plus affairés autour de ce qui reste debout et qui porte le nom d’ « antiquité », d’ « aïeux », etc.

C’est pourquoi, dans la période mongole que nous traversons, tout changement n’a jamais été qu’une réforme, une amélioration, et jamais une destruction, un bouleversement, un anéantissement. La substance, l’objet, demeure. Toute notre industrie n’a été qu’activité de fourmis et sauts de puces, jongleries sur la corde tendue de l’Objectif, et corvées sous le bâton de garde-chiourme de l’Immuable ou « Éternel ». Les Chinois sont bien le plus positif des peuples, et cela parce qu’ils sont ensevelis sous les dogmes ; mais l’ère chrétienne non plus n’est pas sortie du positif, c’est-à-dire de la « liberté restreinte », de la « liberté jusqu’à une certaine limite ». Aux degrés les plus élevés de la civilisation, cette activité est dite scientifique et se traduit par un travail reposant sur une supposition fixe, une hypothèse inébranlable.

La Moralité, sous sa première et sa plus inintelligible forme, se présente comme habitude. Agir conformément aux mœurs et aux coutumes de son pays, c’est être moral. Aussi est-il plus facile au Chinois qu’à tout autre d’agir moralement et de parvenir à une pure et, naturelle moralité : il n’a qu’à s’en tenir