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son sentiment le plus intime et le plus vrai, est devenu, par le fait de la religiosité, vain et illusoire, vu que l’amour religieux n’aime l’homme que par amour de Dieu, c’est-à-dire aime en apparence l’homme et en réalité Dieu ». Mais en est-il autrement de l’amour moral ? S’attache-t-il à l’homme, à tel ou tel homme en particulier, par amour de lui, cet homme, ou par amour de la Moralité, de l’Homme en général, et, en définitive — puisque Homo homini Deus —, par amour de Dieu ?



La marotte se manifeste encore sous une foule d’autres formes ; il est nécessaire d’en énumérer ici quelques-unes.

Parmi elles, le renoncement, l’abnégation sont communs aux saints et aux non-saints, aux purs et aux impurs.

L’impur renonce à tout bon sentiment, « renie » toute pudeur, tout respect humain ; il obéit en esclave docile à ses appétits. Le pur renonce au commerce du monde, « renie le monde », pour se faire l’esclave de son impérieux idéal. L’avare que ronge la soif de l’or renie les avertissements de sa conscience, il renonce à tout sentiment d’honneur, à toute bienveillance et à toute pitié ; sourd à toute autre voix, il court où l’appelle son tyrannique désir. Le saint fait de même ; impitoyable aux autres et à lui-même, rigoriste et dur, il affronte la « risée du monde » et court où l’appelle son tyrannique idéal. De part et d’autre, même abnégation de soi-même : si le non-saint abdique devant Mammon, le saint abdique devant Dieu et les lois divines.

Nous vivons en un temps où l’impudence du Sacré se fait sentir et se révèle chaque jour davantage, parce qu’elle est chaque jour plus obligée de se découvrir et de s’exposer. Peut-on rien imaginer qui surpasse en