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Ces critiques ne s’appliquent toutefois qu’à la « morale bourgeoise », que tout esprit un peu libre fait profession de dédaigner. Cette morale, comme la bourgeoisie dont elle est la fille, est encore trop près du ciel, trop peu affranchie de la Religion, pour ne pas se borner à s’en approprier les lois. N’exigez pas d’elle de la critique, et ne lui demandez pas de tirer de son propre fond une doctrine originale.

C’est sous un tout autre aspect que se présente la morale, lorsque, consciente de sa dignité, elle prend pour unique règle son principe, l’essence humaine ou l’ « Homme ». Ceux qui parviennent à transporter résolument le problème sur ce terrain rompent pour toujours avec la Religion : il n’y a plus de place pour son Dieu auprès de leur Homme ; de plus, comme ils coulent à fond le vaisseau de l’État (voir plus loin), ils anéantissent du même coup toute « moralité » procédant du seul État et s’interdisent, par conséquent, d’en invoquer jamais même le nom. Ce que ces « Critiques » désignent sous le nom de moralité s’écarte définitivement de la morale dite « bourgeoise » ou « politique », et doit paraître aux hommes d’État et aux bourgeois une « licence effrénée ».

Cependant, cette conception nouvelle de la moralité n’a rien de neuf et d’inédit ; elle ne fait que s’adapter au progrès réalisé dans la « pureté du principe ». Ce dernier, lavé de la souillure de son adultère avec le principe religieux, se précise et atteint son plein épanouissement en devenant l’ « Humanité ». Aussi ne faut-il pas s’étonner de voir conserver ce nom de moralité, à côté d’autres comme liberté, humanité, conscience, etc., en se contentant d’y ajouter tout au plus l’épithète « libre ». La morale devient « morale libre », comme l’État bourgeois,