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« Voici un petit jeune homme qui va faire la route avec nous, dit Sim. C’est la vieille femme, la mère Gilchrist, qui le veut comme ça !

— Bon ! bon ! » dit l’autre homme.

Puis, se rappelant les convenances, il me regarda avec un grognement solennel et me dit :

« Une belle journée ! »

J’en tombai d’accord avec lui et lui demandai comment il se portait.

« Ça va ! » fut la réponse. Après quoi, sans autres civilités, le couple se mit à rassembler le troupeau. Dans cette tâche, d’ailleurs, comme dans presque toutes les autres qui concernaient le bétail, mes amis avaient pour principaux auxiliaires une paire de chiens, intelligents et sympathiques, que Sim ou Candlish se bornait à diriger parfois d’un monosyllabe.

Bientôt nous commençâmes à gravir la montagne par un sentier vert assez raide. Un bruit incessant et confus, formé des cris d’une foule d’oiseaux de marais, accompagnait notre marche, rendue à présent insupportablement lente pas le pas mesuré et l’éternel appétit du bétail. Au milieu du troupeau, mes deux guides s’avançaient, dans un silence satisfait que je ne pouvais m’empêcher d’admirer. Plus je les regardais, plus j’étais frappé de la ressemblance extravagante qu’il y avait entre eux. Ils étaient vêtus de la même grosse toile de ménage, ils tenaient en main le même gourdin, ils avaient mêmement les alentours du nez tout barbouillés de tabac, et chacun portait sur les épaules un de ces plaids qu’on appelle, je crois, des tartans de berger. Vus de dos, on ne serait point parvenu à les distinguer, et, même de face, ils étaient pareils. Une incroyable similitude d’humeur entre eux renforçait encore pour moi cette impression. Trois ou quatre fois je jetai des jalons pour aboutir à quelque échange de pensées, de sentiments, ou, tout au moins, de paroles humaines. Un oui ou un non fut toujours la seule réponse que j’obtins, et le sujet soulevé par moi retomba, sur le flanc de la