Page:Stevenson - Saint-Yves.djvu/90

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


X

Les Conducteurs de Bestiaux.


J’eus besoin de faire un certain effort pour me mettre au pas de mon nouveau compagnon ; car, bien qu’il marchât avec un balancement disgracieux de tout son corps, et sans apparence de hâte, sans cesse j’avais à courir pour ne pas me trouver en arrièree de lui. Nous nous examinions l’un l’autre : moi avec une curiosité toute naturelle, lui avec un mépris non dissimulé. J’ai su depuis qu’il était fort mal disposé à mon endroit : il m’avait vu plier le genou devant les dames et m’avait aussitôt diagnostiqué « un idiot à façons ».

« Ainsi, vous allez en Angleterre, hein ? » me dit-il.

Je répondis affirmativement.

« Il y a des endroits meilleurs, il y en a de pires ! » observa l’homme. Et il retomba dans un silence qui ne fut plus interrompu pendant le quart d’heure qui suivit.

Ce quart d’heure nous amena au pied d’une vallée verte et nue, qui montait et descendait doucement parmi les collines. Un petit cours d’eau coulait au milieu, produisant une succession de limpides étangs ; et, près du dernier de ces étangs, j’aperçus un troupeau de bétail tout boueux, sous la garde d’un homme qui me parut être le pendant exact de mon ami M. Sim. Ce second conducteur (j’appris bientôt qu’il s’appelait Candlish) était assis sur une pierre et s’occupait à déjeuner d’un morceau de fromage. Il se leva à notre approche.