pouvoir dire un mot en particulier à Flora. « Si au moins, pensais-je, je pouvais trouver le temps de lui écrire un billet ! »
Tout à coup Ronald apparut sur la pelouse, devant les fenêtres. Mon ogre l’interpella.
« Ronald, n’est-ce point Sim qui attend le long du mur ? »
Une occasion miraculeuse s’offrait à moi. Tout juste derrière le dos de la vieille dame, il y avait, sur un guéridon, une plume, de l’encre et du papier. J’écrivis bien vite « Je vous aime ! » Avant que j’eusse le temps d’en écrire davantage, ou même d’effacer ce que j’avais écrit, de nouveau le lorgnon était braqué sur moi.
« Allons, il est temps ! » commença la dame.
Puis, s’apercevant de ce que je venais de faire :
« Hum ! vous avez quelque chose à écrire ?
— Quelques notes, madame ! répondis-je avec un empressement plein de confusion.
— Des notes, dit-elle, ou bien une note[1] ?
— Il y a là, sans doute, quelque finesse de la langue anglaise qui m’échappe ! répondis-je.
— Eh bien alors, je vais m’expliquer plus clairement, monsieur le comte ! poursuivit-elle. Je suppose que vous désirez être tenu pour un gentleman !
— Pouvez-vous en douter, madame ? dis-je.
— Je doute fort, tout au moins, que vous preniez la bonne voie pour y arriver ! dit-elle. Vous êtes venu ici, je ne sais toujours pas comment, et vous admettrez bien que vous me devez quelques remerciements, ne fût-ce que pour le déjeuner que je vous ai préparé moi-même. Or, qu’êtes-vous pour moi ? Un jeune homme inconnu, avec des banknotes anglaises plein sa poche et dont la tête est mise à prix. Moi, je suis une femme : j’ai été votre hôtesse, encore que je n’aie pas demandé à l’être ; et je désire que vos relations avec ma famille n’aient pas d’autres suites ! »
- ↑ Note, en anglais, signifie billet.