c’est, de se sentir un objet de risée, et parmi des ennemis !
— Oh ! mais vous êtes trop injuste ! s’écria-t-elle. Vous parlez comme si quelqu’un avait jamais rêvé de rire de vous ! Personne n’en a eu l’idée ! Nous vous plaignions de tout notre cœur. Même ma tante, j’aurais voulu que vous l’entendissiez, au sortir de la prison ! Elle vous portait tant d’intérêt !
— Puisque vous me dites que je ne vous ai point fait rire…
— Oh ! monsieur de Saint-Yves, jamais ! C’était trop triste, de voir un gentleman…
— Déguisé en arlequin ? suggérai-je.
— De voir un gentleman dans l’infortune et la supportant si noblement ! acheva-t-elle.
— Et ne comprenez-vous pas, dis-je, ma charmante ennemie, que, même en admettant cela, je n’en suis que plus anxieux, pour moi-même et pour mon pays, de me montrer au moins une fois à vous sous un aspect plus conforme à mon rang et à mon état !
— Vous attachez beaucoup d’importance aux vêtements ! dit-elle. Je ne suis pas comme vous sur ce point.
— Hélas ! je crains que vous n’ayez raison, pour ce qui est de moi ! répondis-je. Mais ce défaut ne va point sans quelques avantages. Et c’est à lui que je dois notamment de pouvoir garder en moi une foule de petits souvenirs que d’autres, à ma place, auraient laissé échapper. Vous rappelez-vous, par exemple, mademoiselle, la toilette que vous portiez le jour où un coup de vent d’est vous a enlevé votre mouchoir ? Vous l’aviez oubliée, sans doute ; voulez-vous que je vous la rappelle ? »
Elle avait déjà entr’ouvert la porte pour s’en aller.
« Oh ! vous êtes trop romantique ! » dit-elle en riant.
Et là-dessus mon soleil s’éteignit, mon ravissement prit fin ; je me trouvai seul dans les ténèbres, avec les poules.