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se retourna, regarda de toutes parts, en quête d’une explication, et, m’apercevant, car je séparais les branches avec ma main pour mieux lui permettre de me voir, elle poussa à demi, puis aussitôt ravala un cri de surprise.

L’infernal jardinier se redressa au même instant.

« Que désirez-vous, mademoiselle ? » dit-il.

La présence d’esprit de Flora m’ébahit. Déjà elle s’était détournée et regardait dans le sens opposé.

« Je crois bien qu’il y a un gamin, là-bas, dans les artichauts ! dit-elle.

— Oh ! ces maudits gamins ! ils vont me le payer ! » s’écria le jardinier. Il jeta sa bêche et disparut derrière le bosquet.

Tout de suite Flora se retourna et accourut vers moi, les bras étendus, le visage d’abord délicieusement rougi, puis d’une pâleur mortelle. Et elle murmura :

« Monsieur de Saint-Yves !

— Chère miss Flora, dis-je, c’est là une liberté impardonnable que j’ai prise, je le sais. Mais que pouvais-je faire d’autre ?

— Vous vous êtes échappé ? demanda-t-elle.

— Si on peut appeler cela s’échapper ! répondis-je.

— Mais il n’est pas possible que vous restiez là ! déclara-t-elle.

— Hé ! je le sais ! répondis-je. Mais où puis-je aller ? »

Elle frappa joyeusement ses mains l’une contre l’autre.

« J’ai une idée ! s’écria-t-elle. Descendez le long du hêtre… pour ne pas laisser d’empreintes de pas… vite, avant que Tommy ne revienne ! C’est moi qui ai la garde des poules, ici ; j’ai la clef dans ma poche ; vous allez entrer dans le poulailler ! »

Des la seconde suivante, j’étais près d’elle. Nous jetâmes tous deux un regard inquiet sur les fenêtres de la maison : personne ne paraissait nous observer. Puis elle me prit par la manche et se mit à courir. J’aurais bien aimé à lui faire quelque compliment, mais, en vérité, la situation ne le permettait pas. Je la suivis donc sans