Page:Stevenson - Saint-Yves.djvu/66

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une cheminée du cottage se montraient par-dessus le coude de la colline un peu plus haut, une grande vieille ferme peinte en blanc se dressait parmi les arbres, près d’un ruisseau rapide ; et plus haut encore s’étendaient des pâturages. Je me dis que les bergers devaient être hommes à se lever de bonne heure ; et pour ne pas être vu, je me glissai à l’ombre d’une haie jusqu’à ce que je fusse parvenu au mur du jardin de la maison de Flora.

Cette maison était une petite construction vieillotte et proprette, avec nombre de petits pignons pointus et de petits toits gris. Elle avait un peu l’air d’une cathédrale microscopique et mal venue, avec un corps principal s’élevant au milieu, et projetant de toutes parts (en manière de chapelles, porches, et transepts) de minuscules annexes d’un seul étage. Pour compléter la ressemblance, la maison était drôlement décorée de longues gouttières formant gargouilles. On eût dit en outre qu’elle cherchait à se cacher, étant dissimulée non seulement par les arbres du jardin, mais encore par une élévation du terrain, du côté même où je me trouvais. Au delà des murs du jardin, je voyais s’aligner une rangée de beaux grands arbres, des ormes et des hêtres, les premiers entièrement nus déjà, les seconds encore couverts de feuilles rouges. Au centre, un bosquet de lauriers et de houx, où je voyais courir de jolis sentiers.

J’étais maintenant à portée de voix de mes amis, et cela ne m’avançait guère. La maison paraissait dormir ; mais, si j’essayais de réveiller quelqu’un, il y avait bien des chances pour que je fusse accueilli soit par la vieille tante au lorgnon d’or, dont le souvenir suffisait à me faire trembler, ou par quelque pécore de servante, qui n’aurait pas manqué de hurler en m’apercevant. Au-dessus du jardin, j’entendais, et pouvais même voir un berger entouré de ses chiens : évidemment j’avais à me mettre à l’abri sans perte de temps. Le bosquet de lauriers, en vérité, aurait eu de quoi me fournir un abri excellent ; mais il y avait, au haut du mur, un grand écriteau où l’on