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ou luisaient parfois vaguement comme des yeux de chat dans les ténèbres ; à cinq pas de distance des lanternes, sur les remparts, on n’y voyait goutte. Nous nous hâtâmes de nous mettre au lit. Si nos geôliers avaient eu le moindre soupçon, il se seraient étonnés de notre hâte anormale à cesser nos causeries du soir. Et cependant je suis bien sûr que pas un de nous ne dormit. Chacun restait étendu à sa place, le cœur partagé entre l’espoir de la liberté et la crainte d’une affreuse mort. L’appel des gardiens sonnait à intervalles réguliers ; la rumeur confuse de la ville s’affaiblissait peu à peu.

Enfin, le vieux Leclos, qui avait la meilleure montre de la chambrée, constata qu’elle marquait une heure de la nuit. Au signal qu’il nous donna, tous, silencieusement, nous nous trouvâmes sur pied.

Je sortis le premier ; et, comme je me glissais le long des murs vers notre passage souterrain, l’excellent sergent-major, qui peut-être doutait de ma résolution, s’obstina à me suivre ; le brave homme ne cessait point de me murmurer à l’oreille toute sorte de paroles rassurantes sur la facilité de la descente, la solidité de la corde, sa longueur, etc. Enfin je perdis patience.

« Par grâce, laissez-moi tranquille lui dis-je. Je ne suis pas un lâche, mais je ne suis pas non plus un idiot. Comment pouvez-vous savoir que la corde est assez longue ? Vous n’en savez rien, ni moi non plus. Mais moi, je le saurai dans dix minutes ! »

Le vieux brisquard sourit dans sa moustache et me tapa sur l’épaule.

Mais lorsque je vis toute notre troupe réunie autour de moi, je n’eus garde de leur laisser deviner ma mauvaise humeur.

« Eh bien ! messieurs, dis-je, si la corde est prête, voici le criminel ! »

On déblaya le souterrain, on enfonça le pieu qui devait tenir la corde, on déroula celle-ci. Sur mon passage, bon nombre de mes camarades crurent devoir me saisir la main