Page:Stevenson - Saint-Yves.djvu/46

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


V

La maison de Flora.


Deux ou trois jours après, le jeune Ronald se montra tout seul. Il semblait prodigieusement embarrassé, ne s’étant encore jamais adressé à moi jusque-là que par des saluts, des coups d’œil, et des rougeurs. Il m’aborda de l’air emprunté d’un homme qui accomplit un ordre. Moi, dès que je l’avais aperçu, j’avais abandonné mon travail de découpage. Je le saluai cérémonieusement, pensant bien, par là, lui être agréable ; et, comme il restait toujours silencieux, je me lançai dans des récits de mes campagnes que mon pauvre Goguelat lui-même se serait fait un scrupule d’endosser, tant l’exagération y dépassait les bornes raisonnables. Mais le jeune homme, manifestement, s’échauffait et s’amollissait. Il se rapprocha de moi, oublia sa timidité jusqu’à me faire mainte question, et enfin, rougissant plus fort que jamais, il m’avoua que lui-même était en instance pour obtenir une commission d’enseigne dans l’armée anglaise.

« Eh bien ! lui dis-je, je puis vous assurer que ce sont de belles troupes, vos troupes anglaises dans la Péninsule. Un jeune gentilhomme à l’âme bien située ne peut qu’être fier d’en faire partie.

— Je sais cela, répondit-il, et je ne puis penser à rien d’autre. J’estime que c’est une honte pour moi de rester, ici, à la maison, et de m’abrutir à faire mes études, tandis que d’autres, pas plus âgés que moi, sont sur le champ de bataille.