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l’Angleterre ; et, pour les premières étapes, je suis forcé de vous abandonner à votre propre ingéniosité. J’ai bien quelques relations ici, en Écosse ; mais je n’en ai malheureusement aucune… de malhonnête. Par contre, plus loin vers le sud, aux environs de Wakefield, j’ai appris qu’il y avait un personnage nommé Burchell Fenn, qui n’est pas aussi scrupuleux que d’autres, et qui ne refuserait peut-être pas de vous donner un coup de main pour continuer votre route. En fait, je crois bien que c’est le métier de cet homme, et voilà encore un secret qui me pèse à garder ! Ah ! cher monsieur, c’est là ce qu’on gagne à avoir affaire avec des coquins !

— Mais si ce Fenn est au service de mon cousin, observai-je, je ferais peut-être mieux de l’éviter ?

— C’est en lisant des papiers relatifs à votre cousin que nous avons découvert cet homme, et le genre de son commerce, répondit le notaire. Mais j’incline à penser que, autant du moins qu’on peut trouver de sécurité en d’aussi vilaines affaires, vous pouvez sans crainte vous adresser à ce Fenn.

— Soit, dis-je, je verrai à me diriger selon les circonstances. Mais attendez un moment ! Ce que vous me proposez est un jeu très risqué : évidemment, je vais trouver dans mon cousin un adversaire acharné ; et, en ma qualité de prisonnier de guerre, je ne saurais me flatter d’avoir des atouts en mains. Quel est donc au juste l’enjeu de la partie ?

— Un très gros enjeu ! répondit le notaire. Votre grand-oncle est fort riche. Il a été sage au bon moment. Il a flairé la Révolution longtemps d’avance, comme vous savez, a vendu tout ce qu’il ne pouvait point transporter, et transporté tout le reste en Angleterre. Amersham Place, déjà, n’est pas une propriété à dédaigner ; et puis il a beaucoup d’argent, et placé on ne peut mieux. Et de quoi tout cela lui sert-il ? Il a perdu tout ce qui valait pour lui la peine de vivre, sa famille, son pays ; il a vu ses souverains assassinés ; il a assisté — de loin, heureusement —