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seigné sur votre sort, je dois vous dire que c’est encore M. Alain que nous avons à en remercier. Voici quelque temps déjà que votre cousin s’est mis en devoir d’informer le marquis de tout ce qui vous arrivait ; je vous laisse à deviner pour quel motif. Or, quand, la première fois, il a apporté la nouvelle de votre…, quand il a appris que vous serviez Bonaparte, nous avons bien cru que le vieux marquis n’y survivrait pas, tant il était furieux. Mais, avec le temps, les choses ont un peu changé ; un peu, ou plutôt même beaucoup. Nous avons su que votre régiment était en marche vers la Péninsule, que, là, votre bravoure vous avait valu d’être fait sous-officier, et puis que vous aviez dû revenir de nouveau au rang de simple soldat. Et ainsi, avec le temps, comme je vous le disais, M. de Kéroual s’est accoutumé à l’idée qu’un de ses parents servait sous Bonaparte ; mais, par contre, il a été amené à s’étonner de ce qu’un autre de ses parents, qui vivait près de lui en Angleterre, fût si remarquablement informé des moindres choses de France. Votre grand-oncle a été amené à se demander si son petit-neveu, M. Alain, n’était pas un espion de votre empereur. Mais en tout cas le fait est, monsieur, qu’en cherchant trop à vous desservir, votre cousin a accumulé sur lui-même une nuée de soupçons. »

Mon visiteur s’arrêta, aspira une prise de tabac, et me considéra avec bienveillance.

« Par ma foi, dis-je, c’est là vraiment une curieuse histoire !

— Attendez que je l’aie achevée ! dit M. Romaine, car deux autres événements se sont encore produits, dont le premier est une conversation de M. le marquis avec M. de Mauséant.

— Voilà un personnage que je connais à mes dépens ! m’écriai-je. C’est à lui que je dois d’avoir perdu mon grade !

— Est-ce possible ? fit-il. Je ne m’en doutais pas.

— Oh ! ne pensez pas que je m’en plaigne ! dis-je. J’ai été absolument dans mon tort. On m’avait donné un pri-