voyage dans le midi de la France, par une bande de ces brigands, que nous appelons des chauffeurs. Il fut mis à la torture, et c’est ainsi qu’il est mort.
— Ignoble race ! murmura le notaire, se parlant à lui-même !
— Elle n’a pas le bonheur d’être anglaise ! » observai-je avec un soupir plein de politesse.
Quatre-vingt-dix-neuf pour cent de nos visiteurs auraient admis cette remarque comme parfaitement naturelle, et y auraient vu la preuve de l’excellence de mon jugement. Mais le notaire était décidément plus fin.
« Je m’aperçois que vous n’êtes pas une bête ! dit-il.
— Mais je n’ai pas non plus la prétention d’en être une ! répondis-je.
— Et cependant, je vous engage à vous méfier de l’ironie ! reprit-il. C’est un instrument dangereux. Je soupçonne votre grand-oncle de l’avoir trop pratiqué. Et de là vient, sans doute, qu’à présent on a peine à bien comprendre ce qu’il veut dire.
— Voilà un renseignement qui me ramène à une question bien naturelle de ma part ! dis-je. À quel heureux hasard dois-je le plaisir de cette visite ? Comment m’avez-vous reconnu ? et comment saviez-vous que j’étais ici ? »
Le notaire sépara soigneusement les pans de sa redingote, s’assit près de moi sur le rebord du mur, et dit :
« C’est une histoire assez singulière et, avec votre permission, je vais d’abord répondre à votre seconde question. Je vous ai reconnu à cause d’une certaine ressemblance qu’il y a entre vous et votre cousin, M. le vicomte.
— J’ose croire, monsieur, que cette ressemblance est à mon avantage ? objectai-je.
— Je m’empresse de vous rassurer : elle l’est, en effet. À mes yeux, du moins, M. Alain de Saint-Yves n’a pas un extérieur bien agréable. Mais pourtant, lorsque j’ai su que vous étiez ici, la ressemblance m’a aidé à vous découvrir. Et quant à la question de savoir comment j’ai été ren-