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prendsque cette ressemblance ait de quoi éveiller en vous des souvenirs assez désagréables ! »

Ce que disant, la vieille dame se décida enfin à sourire. Aujourd’hui encore, la pensée de ce sourire me donne un petit frisson.

« Et maintenant, Mocheu, reprit-elle en se dirigeant vers la porte, j’espère que vous n’allez pas plus longtemps nous empêcher de dîner ! »

Ce bienheureux dîner marque la fin de mes aventures, et il n’y a plus rien d’autre, dans ma vie, qui vaille la peine d’être raconté. Peut-être seulement le lecteur apprendra-t-il avec plaisir que, quelques mois après notre mariage, lorsque l’Empereur voulut une dernière fois tenter la fortune, je lui prêtai de nouveau mon humble concours : j’eus l’honneur d’être fait sergent sur le champ de bataille de Waterloo ; et c’est ma chère Flora, qui, dans cette occasion comme dans toutes les autres depuis lors, s’est chargée d’écouter pour moi ce que me dictait ma conscience. Elle est encore assise près de moi, aujourd’hui, dans notre bibliothèque d’Amersham Place, pendant que j’achève de noter ces souvenirs de ma vie d’autrefois. Avec ses cinquante ans et ses cheveux gris, j’ose affirmer que jamais elle n’a été plus belle. Et nous sommes vraiment tout à fait heureux, autant du moins qu’on peut l’être avec des rhumatismes. Mais qu’est-ce donc que cet étrange concert dont le bruit parvient jusqu’à nous, d’au-dessus de nos têtes, par les fenêtres ouvertes de la nursery ? Je le demande à Flora ; car je commence à avoir l’oreille un peu dure.

« Hé ! me dit-elle, ne reconnaissez-vous pas une musique qui doit cependant vous être bien familière ? C’est M. Rowley, votre intendant, qui, là-haut, donne une leçon de flageolet à nos petits-enfants ! »

FIN