Page:Stevenson - Saint-Yves.djvu/350

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il fit deux fois oui, d’un signe de tête.

« Mais croyez-vous sérieusement que sa dénonciation suffise pour me perdre ? demandai-je. Encore y faudra-t-il certains préliminaires : un jugement, par exemple, avec des témoins ! Il n’est même pas impossible que je sois déclaré innocent !

— J’ai pris en considération cette hypothèse, pour invraisemblable qu’elle soit ! répondit-il. Mais, au fait, elle ne me touche pas. J’ai pour vous bien trop d’affection pour souhaiter votre mort. Et d’autre part il ne me paraît guère probable que, même dans le cas de votre acquittement, un jury anglais soit disposé à remettre un domaine anglais entre les mains d’un soldat bonapartiste évadé de prison, surtout quand ce soldat est, en outre, accusé d’avoir commis un assassinat.

— Eh bien ! lui dis-je, voyons un peu ce que votre compagnon pensera de tout cela ! »

Je me levai, allai jusqu’à la porte, et criai, au bas de l’escalier :

« Madame Jupillon, auriez-vous l’obligeance de faire monter le second de mes deux visiteurs ! »

Après quoi, pour ne pas rester en tête à tête avec mon cousin, je me penchai un moment sur le rebord de la fenêtre. C’est de là que j’entendis, dans l’escalier, un pesant bruit de pas.

« J’ai à vous demander pardon, monsieur, pour la liberté que je prends de m’introduire ainsi… »

La voix parlait avec un fort accent anglais, et ce n’était pas la voix de Clausel ! Si l’on m’avait tiré, dans le dos, un coup de pistolet, je n’aurais pas mis plus d’empressement à me retourner.

« Monsieur Romaine ! »

C’était lui, en effet, et non pas Clausel, qui se tenait debout sur le seuil. Et je serais en peine de dire lequel de nous deux, Alain ou moi, le regardait avec plus de stupeur.

« Je crois comprendre, messieurs, reprit M. Romaine