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lui ai demandé s’il y avait quelque chose à vous dire de sa part. « Non, qu’il me dit ou plutôt dites-lui que tout va bien dans le nord, mais qu’il ne faut pas qu’il bouge d’ici avant que je l’aie vu ! »

Inutile d’ajouter que, de tout mon cœur, je maudis M. Romaine pour l’attente qu’il m’imposait sans ombre de raison. Si tout allait bien « dans le nord », pourquoi ne me faisait-on pas tenir au plus tôt la lettre de Flora ? J’étais presque tenté de repartir tout de suite pour l’Angleterre, afin de me rendre compte par moi-même de la manière dont « tout allait bien ». Mais je réfléchis que, après tout, Romaine pouvait avoir ses motifs pour agir comme il le faisait, et que, de toute façon, son représentant ne saurait manquer de venir bientôt s’informer à nouveau de mon arrivée.

Je m’installai donc dans une petite chambre que m’offrit Mme Jupillon, au premier étage de sa maison. Je m’y fis servir à déjeuner ; et, vers deux heures de l’après-midi, j’étais en train d’écrire une lettre à Flora, lorsque la veuve vint m’annoncer qu’il y avait en bas deux messieurs qui désiraient me voir. « Vite, faites-les monter ! » dis-je en déposant ma plume. J’entendais les battements de mon cœur, dans le silence de la petite chambre. Et voilà que, sur le seuil, un moment après, apparut… mon cousin Alain. Il était seul. Il jeta un regard rapide sur la lettre que j’écrivais, grimaça un sourire, s’avança vers moi, posa sur la table son chapeau et ses gants blancs.

« Mon cher cousin, dit-il, vous savez parfois faire preuve d’une agilité surprenante pour vous dérober aux recherches de vos amis : mais il y a d’autres fois où vous n’êtes vraiment pas difficile à découvrir ! »

Je m’étais levé.

« Monsieur, lui dis-je, vous devez avoir à me communiquer des choses bien urgentes, pour avoir pris la peine de me faire suivre, malgré les nouvelles occupations politiques qui vous absorbent à présent ! Raison de plus pour vous prier d’être bref !