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de son bonapartisme. Nous n’en fûmes d’ailleurs que plus à l’aise pour échanger nos doléances sur l’humeur versatile de nos compatriotes. Après quoi, voyant qu’elle-même ne commençait pas à aborder le sujet, je me risquai à lui demander si elle n’avait pas reçu des lettres pour moi.

« Des lettres ? ma foi, non ! me répondit-elle.

— Aucune ? » m’écriai-je. Et je sentis que tout mon sang s’arrêtait de couler.

« Mais, par exemple, reprit l’excellente femme, j’ai eu de vos nouvelles ! Il y a une dizaine de jours, un étranger est venu me demander si je savais ce qui vous était arrivé. « Mon Dieu ! que je dis, vous n’allez pas me dire qu’il est mort ? » Et, vous me croirez si vous voulez, mais déjà les larmes me venaient aux yeux. « Non, non ! que me répond cet homme, et la meilleure preuve, c’est qu’il viendra ici, un de ces jours, pour vous demander s’il n’y a pas de lettres pour lui. Et vous lui direz, s’il vous plaît, que, s’il attend une lettre d’une certaine demoiselle dont le nom commence par un F, il faudra qu’il reste ici, chez vous, jusqu’à ce qu’un ami vienne lui délivrer la lettre en mains propres ! Et si Champdivers vous demande d’autres renseignements sur moi, vous lui direz que je suis venu de la part… » Tenez, il a écrit lui-même le nom sur ce papier : « M. Romaine ».

— Que le diable emporte ces précautions stupides ! m’écriai-je. Et cet homme, de quoi avait-il l’air ?

— Ma foi, il était très poli, mais avec quelque chose de raide qui ne me revenait qu’à moitié. Ça devait être une espèce d’intendant, peut-être bien un clerc d’huissier ! Tout vêtu de noir.

– Il parlait français ?

– Il le baragouinait avec un accent impossible. Et le plus drôle, c’est qu’il m’a fait remarquer, deux ou trois fois, qu’il parlait le français dans la perfection !

— Et il n’est pas revenu ?

— Pour sûr que si, et pas plus tard qu’avant-hier ! Même qu’il a paru tout interloqué de ne pas vous trouver. Je