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XI

Le vicomte Alain joue sa dernière carte.


Mon voyage à bord du Shawmut se passa sans aucun incident qui mérite d’être rapporté : je me souviens seulement qu’il me parut d’une longueur interminable, sans doute à cause de la folle impatience que j’avais d’arriver. Et le lecteur me permettra de ne pas insister non plus sur les sentiments divers qui se saisirent de moi lorsque, en arrivant à Bordeaux, j’appris la défaite et l’abdication de Napoléon. Certes, je ne me faisais pas d’illusions sur le peu de secours qu’aurait pu offrir à l’Empereur la présence, dans son armée, d’un pauvre soldat tel que moi ; mais mon retour, en un pareil moment, ne m’en semblait pas moins une nouvelle ironie de ma destinée. Ou plutôt je me reprochais, comme une désertion criminelle, le retard que j’avais mis à rejoindre mon régiment. « Ah ! me disais-je, pourquoi ne me suis-je pas embarqué avec mes compagnons de prison, le soir même de notre évasion du Château d’Édimbourg, au risque de périr avec eux si vraiment ils ont péri ! Pourquoi, en quittant Amersham Place, ne suis-je pas allé demander à Burchell Fenn de me faire transporter jusqu’à la côte anglaise dans son chariot couvert ? » Mais aussitôt surgissait devant moi la chère image de Flora : et à mes remords s’ajoutait, pour les rendre plus cuisants, la conscience de l’impérieuse fatalité qui m’avait fait agir.

C’est dans ces dispositions que j’entrai à Paris, un