Page:Stevenson - Saint-Yves.djvu/33

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le major Chevenix continua de fumer, regardant tantôt les cendres de son cigare et tantôt moi.

« J’ai été moi-même un soldat, dit-il ensuite, et j’ai eu, moi aussi, à abattre mon homme. Je ne suis pas d’humeur à mettre quelqu’un dans la peine pour une affaire de ce genre, si seulement elle a été nécessaire, et correcte. Mais il faut que je sache si elle a été cela, et j’exige que vous m’en donniez votre parole d’honneur. Faute de quoi, j’en suis bien fâché, mais j’aurai à mander le médecin.

— Je n’avoue et je ne dénie rien, répondis-je. Mais, si la formule que voici peut vous suffire, je vous donne ma parole, en tant que gentilhomme et en tant que soldat, qu’il ne s’est rien passé entre nous, dans la chambrée, qui n’ait été parfaitement honorable.

— C’est bien ! dit-il. Voilà tout ce que je désirais savoir. Maintenant vous pouvez vous en aller, Champdivers ! »

Et, comme je me préparais à sortir, il ajouta, avec un gros rire :

« À propos, j’ai mille excuses à vous faire ; je n’avais pas la moindre idée que je vous appliquais la torture ! »

Ce même jour, l’après-midi, notre médecin vint dans la cour, tenant à la main un morceau de papier. Il paraissait échauffé, et nullement en veine de politesse.

« Holà ! cria-t-il, quel est donc celui d’entre, vous qui parle anglais ? »

Puis, m’apercevant :

« Ah ! Justement, le voici ! Écoute un peu, animal ! Tu vas dire dans ta langue à tous ces gaillards que leur compagnon est en train de crever. Il a son affaire il ne passera pas la soirée. Et dis-leur aussi que je n’envie pas les sentiments du coquin qui l’a embroché ! Allons, commence par leur dire tout ça ! »

C’est ce que je fis.

« Et maintenant, reprit le médecin, dis-leur que cet individu, ce Goggle, — que le diable emporte son nom ! — désire revoir quelques-uns de ses compagnons avant de se mettre en route pour son nouveau poste. Si j’ai bien com-